Février 2021
Réflexions autour d'un sens en voie de disparition: le toucher.
Depuis mars 2020, je reçois presque chaque semaine une demande de chiot. C'est très inhabituel et cela m’a beaucoup fait réfléchir. Pourquoi tant besoin d'un animal en ce moment?
Bien sûr, certains pleurent un chien décédé et ne peuvent vivre sans une présence canine pour adoucir leur chagrin. Mais beaucoup viennent avec l'espoir de découvrir la vie avec un premier chien.
Je pense que c'est en lien direct avec cette obligation de distanciation sociale et physique qui nous est imposée depuis bientôt un an.
Nous réussissons à garder le lien, ou plutôt une connexion avec autrui, par internet, le téléphone ou même la présence physique, à un mètre de distance. Mais qu'en est-il du toucher? Quel adulte a osé embrasser ses parents, ses frères et sœurs, depuis un an? Quelle frustration! Alors que le toucher est un sens essentiel, on y revient...
Notre peau toute entière est conçue pour ressentir l’extérieur de nous et nous envoyer des informations sur le monde qui nous entoure, le froid, le chaud, le soleil, la pluie, les objets doux ou rugueux, les contacts chaleureux (ou pas!) et bien sûr les caresses.
C'est exactement pareil pour nos chiens. Chez certains animaux, le toucher fait partie du rituel social : l’épouillage chez les oiseaux et de nombreux primates, le grattage mutuel chez les chevaux. Il n’y a pas de toilette sociale chez le chien. Le toucher est surtout visible chez la mère avec ses chiots, chez les jeunes dans le jeu, chez les adultes lors des comportements sexuels. Mais souvent le toucher n'est plus le sens primordial dans les relations canines lorsque les chiens deviennent adultes.
On reste proche des autres mais on garde une distance. La bulle est d'ailleurs plus ou moins large selon les individus. C'est une des raisons pour laquelle il ne faut pas intervenir dans les contacts sociaux entre les chiens. Certains ont besoin d’espace autour d'eux et ils savent parfaitement le communiquer avec des signaux parfois imperceptibles pour nous. Ils ont le droit de ne pas aimer les contacts rapprochés et nous devons accepter, respecter leurs préférences.
Cependant, durant leur sommeil certaines races de chiens aiment dormir les uns contre les autres. Pour ma part, j'ai remarqué que les Bearded Collies adultes ont ce besoin de se coucher près des autres chiens, mais sans se toucher. Pourtant les chiots et même les jeunes sont très souvent enlacés pendant leur sommeil. C'est d'ailleurs un ravissement de les observer. Ici, Fanny et Gigot à l'âge de 6 mois...
Je n'ai pas d'explication étayée au fait qu'ils se détachent physiquement en grandissant. Sans doute n'ont-ils plus besoin de toucher l'autre pour se sentir en sécurité à ses côtés. D'une façon contrastée, les beardies adorent se lover contre nous, humains, être le plus proche possible, nous toucher. C'est une race dite tactile. Beaucoup de races le sont, certaines moins, mais l'attachement physique à l'humain est toujours très marqué chez le chien. Alors, pourquoi tant de chiens ont-ils ce besoin impérieux de se coller à nous? Peut-être faudrait-il remonter aux origines de l'espèce canine...
Le toucher est le premier sens qui se met en place dans l'utérus de la mère. Lorsque tout va bien, son corps produit une hormone dont le nom vous est connu: l'ocytocine. C'est l'hormone du bien-être, du sentiment de sécurité, de l'attachement. On l'appelle parfois l'hormone de l'amour.
Il est prouvé que donner donner des caresses lentes sur le ventre de la chienne lorsqu'elle attend des bébés engendre des chiots plus sereins et plus calmes. C'est lié au fait que la chienne durant ses caresses, produit davantage d'ocytocine. Elle va bien sûr en excréter à la naissance des chiots qui assimileront l'odeur des mamelles et de l'ocytocine à ce bien-être et ce sentiment de sécurité.
L'humain qui caresse sa chienne synthétise également de l'ocytocine, dans une moindre mesure, mais cela a été noté dans des études. Le bien-être et la sérénité sont partagés.
Je vous parlais des origines de l'Espèce Chien. Les premiers loups qui se sont approchés des humains cherchaient la sécurité: alimentation, confort, protection. En restant à proximité des humains, leur production d'ocytocine a sans doute augmenté, et après les premiers contatcs, nos ancêtres ont certainement ressenti du plaisir à voir ces animaux sauvages venir partager leur vie.
Des milliers d'années ont passé, les hormones ont continué leur fantastique travail dans notre corps, et dans celui de nos amis devenus chiens.
Sans nous en rendre compte, depuis notre naissance, que nous soyons un humain ou un chien (ainsi que les autres mammifères), nous recherchons toujours cette profonde sensation de confort, de douceur, de sécurité et de bien-être que nous avons connue dans le ventre de notre mère.
Cette longue pandémie de Covid est douloureuse pour les humains. Nous avons un besoin immense de nous rassurer et le toucher est le sens essentiel qui pourrait nous aider. Mais nous en sommes privés.
Nos chiens sont là. Ils sont près de nous, ils nous consolent, ils nous câlinent. Ces caresses partagées font descendre notre taux de cortisol, l'hormone du stress, et augmenter notre quantité d'ocytocine. Elles ont le même effet chez notre chien dont le corps fabrique des hormones identiques aux nôtres. En quelques minutes, le ciel s'éclaircit. Le chien et l'humain se sentent bien. Pensez-y.
Il existait, avant cette terrible épidémie, quelques bars à chats, où les gens venaient chercher un moment de bien-être. Je me demande ce qu'ils sont devenus. Je souhaite à tous ceux qui me lisent d'avoir un animal caressant qui les accompagne. Et pour vous qui avez perdu votre compagnon à 4 pattes, j'espère que le souvenir des jours heureux peut calmer votre peine, en attendant qu'un chiot turbulent vienne enfin s'endormir dans vos bras...
Et maintenant, place à un petit panel de photos récentes!